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Projection de la version restaurée de La conquête le 16 mai à la Cinémathèque québécoise

Publié le 9 mai 2023
Éléphant - Michelle Rossignol et Gilles Renaud dans La conquête, de Jacques Gagné, présenté le 16 mai à la Cinémathèque québécoise.
Plusieurs longs métrages marquants de notre cinéma célèbrent leurs 50 ans en 2023. L'année 1973 a donné naissance à de nombreux films importants, mais aussi à des oeuvres moins connues tout aussi intéressantes. Notre prochaine projection donnera ainsi aux cinéphiles l'occasion de voir ou revoir un de ces films qui se sont retrouvés inexplicablement dans l'angle mort de l'histoire du cinéma québécois mais qui méritent d'être redécouverts.  La conquête, de Jacques Gagné, sera présenté le 16 mai à 18h à la Cinémathèque québécoise

Le réalisateur du film, Jacques Gagné, a été monteur à Radio-Canada et a réalisé de nombreux documentaires touchant à plusieurs aspects de la société, dont la culture avec son remarquable Situation du théâtre au Québec (1969). On le retrouve également producteur chez Onyx Films et aux Productions Carle-Lamy. C'est d'ailleurs au sein de cette dernière boîte que sera produit son premier long métrage de fiction, La conquête, dans lequel deux intellectuels montréalais de passage à Québec se rencontrent : lui, Laurent, sociologue venu manifester devant le Parlement et elle, Françoise, enseignante devant participer à un colloque. À Québec, sur les lieux mêmes de la Conquête de 1759-1760, ces jeunes Québécois s'aimeront d'un amour fou l'espace d'une fin de semaine, au bout de laquelle ils décideront de se donner un hypothétique rendez-vous plutôt que de poursuivre leur passion. Le constat de l'impuissance de l'intellectuel québécois est implacable, et sa mise en perspective avec l'Histoire nous la rend insupportable.

Boudé par la critique qui l'a davantage ignoré que descendu, La conquête n'a pas fait long feu au Cinéma Chevalier (rue St-Denis, coin de Maisonneuve) où il était sorti. On l'a décrit bavard, littéraire, un peu gauche (façon détournée de lui reprocher d'être gauchisant?) et trop intellectuel... En regardant le film aujourd'hui, ces épithètes font sourire sachant que le scénario était signé par la poétesse et dramaturge Michèle Lalonde, artiste engagée à qui on devait le célèbre Speak White, poème-phare de la Nuit de la poésie du 27 mars 1970 (animée par Michelle Rossignol, la Françoise de La conquête) qu'elle avait récité elle-même ce soir-là devant la caméra de Jean-Claude Labrecque. C'est d'ailleurs ce même Labrecque qui «chauffe le kodak» sur La conquête et à qui l'on doit les magnifiques images de sa ville natale, Québec, où il tourne pour la première fois pour un film de fiction, deux ans avant de venir y tourner son propre film Les vautours

Pour livrer ces mots écrits par Michèle Lalonde et incarner les deux amoureux fous, Jacques Gagné a réuni deux jeunes comédiens qui viennent de briller dans un univers aux antipodes de celui de La conquête et de ses deux jeunes intellectuels, celui de Tremblay-Brassard : Michelle Rossignol, la Pierrette Guérin des Belles-soeurs, et Gilles Renaud, le Cuirette de Hosanna et d'Il était une fois dans l'Est. L'époque est à la décomplexion de la langue des faubourgs et à la célébration des marginaux dans la culture québécoise, et La conquête ne s'inscrit pas dans cette mouvance. Cela explique-t-il la froide réception reçue à sa sortie en 1973? Sans doute en partie. Mais redécouvrir ce film aujourd'hui nous ramène à cette époque où, avec la jeunesse militante des mouvements de gauche, fleurissait une nouvelle génération d'intellectuels québécois. Alors que les rapports des Québécois avec l'intellectualisme ont toujours été houleux, il n'est peut-être pas étonnant que face à La conquête, on ait peut-être voulu jeter le bébé avec l'eau du bain. 

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